Avec Romain Duris, Marina Foïs
Genre: Thriller, Drame
Français
Y a beaucoup trop de "pourquoi" et pas assez de "parce que" (Chanson Jour de Doute de Grand Corps Malade)
Sauf
qu’ici, il n’y a pas de parce que et c’est tout. Ce n’est pas un problème car
les réponses n’importent pas. On s’en fiche au fond de savoir pourquoi. Le
suspens nous tenaille, les interrogations persistent et c’est ce qui nous
maintient dans la poursuite d’un objectif. C’est ce qui nous maintient en vie.
Comme lorsqu’un désir est plus passionnant que son assouvissement. Comme
lorsque le temps de la séduction est plus distrayant que celui de l’obtention. Les
mots ne posent pas les questions car il y a peu de dialogue. Les images donnent
les réponses parfois en totalité parfois en partie parfois pas du tout. Un
regard dans un rétroviseur ou deux visages qui regardent droit devant puis se
tournent l’un en face de l’autre. Tout est dans le regard et l’expression des
belles formes d’un visage que l’on capture. L’instant précis compte. Celui que
l’on vit maintenant, assis au bord de l’eau, au bord de la vie, au bord de la
mort, dans l’attente de partir, de bouger, de mourir. La musique convient
parfaitement à cette ambiance inquiétante mais sereine, déprimante mais
reposante. Elle nous berce, nous envahit, nous percute. Comme les images qui
nous choquent tant par leur dureté que par leur douceur la seconde d’après. Les
plans s’enchaînent, se ressemblent dans leur unicité. L’atmosphère parvient à
rester la même du début à la fin et malgré la lenteur des mouvements, on ne
s’ennuie pas. A la fin, on a oublié le début d’une vie dans un autre monde.
Celui de l’oppression où les faux semblants et la superficialité abondaient. Il
y a eu cette rupture linéaire, celle de la route, de la longue route. Des
larmes à l’intérieur d’un corps contenu qui finalement explosera comme un
voilier au large d’une île rocailleuse et déserte comme l’âme, dans la lueur
incandescente d’un paysage noirci par la mer, la nuit et le ciel. Et Dieu qui
essaye de traverser les cieux pour venir jusqu’à nous mais qu’y n’y arrive pas,
ou que partiellement. Les flashs ininterrompus en boucle dans notre tête ivre
et floue. Ça tourne, ça tourne, ça tourne, encore et encore. Ça tourne pas rond
mais ça tourne. Jusqu’à finalement se lâcher dans les profondeurs abyssales de
l’inconnu. L’inconnu de ce que va être un avenir caché. On agit vite car l’on
est paniqué et on ne pense qu’au futur proche mais bientôt il sera devenu passé
et on se sait pas quelle est la suite car elle est impossible à imaginer.
Impossibilité de revenir en arrière mais d’aller de l’avant. On se trouve dans
une zone de transition sans fluctuation, sans transition possible. On se trouve
dans un no man’s land. Il faut « partir et vivre ou rester et
mourir ». Mais ici, c’est rester et mourir ou partir et mourir. Survivre
dans la fuite éternelle d’un acte qui ne nous ressemble pas, accidentel. Fuir
notre misérable condition. Fuir l’affrontement. Et pourtant combien de courage
pour affronter la solitude et les contorsions corporelles qui brûlent en
nous ! Impossibilité d’être reconnu pour un travail artistique dans lequel
on a mis nos tripes et notre cœur. Tous ces sentiments en nous qui font mal.
Toute cette émotion de voir afficher notre souffrance encadrée de noir sur des
murs si blancs, dans une salle qui nous ait réservée. Une mise en abîme d’un
travail photographique sublime dans un autre travail photo-cinématographique
superbe. Une mise en abîme du travail de l’artiste qui souffre et qui trouve
son refuge dans le déclic, dans l’observation des autres, dans le contact avec
la beauté, dans l’art.
Le destin et le parcours d’un homme qui voulait vivre sa
vie, mais ce n’était juste pas celle que la société avait décidé pour lui, ce
n’était juste pas celle à laquelle on s’attendait, ce n’était juste pas celle
en laquelle il croyait. L’homme qui voulait se lancer dans l’aventure, qui
hésitait, qui n’y arrivait pas vraiment, qui n’osait peut-être pas. Il a du
faire des sacrifices mais s’est finalement épanoui dans le martyr. Un homme
déchiré et un portrait psychologique bouleversant sur fond de thème
philosophique concernant la conscience morale et la conscience de soi, sur la
confusion de l’identité. Voler celle d’un autre pour se trouver ? Ne pas
se réaliser sans autrui ? L’homme libre est-il forcément et toujours
seul ? Prendre la place d’un autre et se laisser mourir. Mentir à tous à
commencer par soi-même. Ne plus être soi même mais ne pas vraiment être un
autre qui a finalement disparu lui aussi. De l’action brute et âpre, des
moments poignants et des souvenirs cinglants. Des souvenirs qui hantent puis
qui partent en fumée dans la rondeur du soleil couchant. Mais la fumée laisse
des traces dans les poumons. Les cendres finissent toujours par retomber et
s’éparpiller en mille morceaux de miroir brisé dans le corps stigmatisé. On
n’accepte plus notre propre image alors on cherche celle des autres. On décrit,
on peint, on devine, on découvre des portraits car on se cherche en eux, on
cherche notre véritable reflet dans le mélange des mensonges. On essaye de se
laver de ses pêchés, de se purifier, de se plonger dans l’oubli mais l’on n’y
parvient.
Ici les
raisons ne sont pas importantes car ce sont les passions et les douleurs qui
l’emportent, car ce sont les images et les sons, les impressions et les chocs,
les pensées philosophiques qui émergent au dessus de l’horizon océanique.
J’aurais d’ailleurs aimé vous expliquer tout cela sans dire « car »,
sans vous donner de raison avec des mots mais je n’ai pas le génie d’un
cinéaste pour le transmettre seulement grâce à un film, grâce à des techniques
de réalisation cinématographique subtiles, grâce au pouvoir des images. Je n’ai
pas pleuré car tout est en retenu dans ce film, j’aurais pu mais la contenance
a été plus forte. Tout est en retenu sauf sa beauté. A voir de vos propres
yeux, à frissonner de vos propres peaux, à expérimenter de vos propres chairs,
à sentir de vos propres cœurs. Quant à moi, je m’empresse de partir, le plus
loin possible, de tout quitter, en solitaire et d’aller photographier de
lointaines contrées qui n’attendent que moi et mon objectif (à moins que ce ne
soit celui-là mon objectif), ou mon carnet et ma plume…
Bande annonce
Alors, tous à vos écrans!
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