De Sylvain Estibal
Avec Sasson Gabai, Baya Belal
Genre: Comédie dramatique, Historique
Français, Belge, Allemand
Le film traite d'un sujet
politiquement sérieux : celui du conflit israélo-palestinien qui sévit depuis
maintenant trop longtemps. Il montre à la fois l'absurdité et l'enlisement de
celui-ci. Avec beaucoup d'humour, il provoque un rire désopilant chez le
spectateur qui se trouve face à des situations hilarantes. Mais ici le côté
drôle n'est pas là pour masquer superficiellement des enjeux plus profonds; il
est là pour dédramatiser une situation absurde: l'impossibilité pour deux
peuples de cohabiter, de coexister. Cet humour marque la simplicité et la
connivence de deux mondes qui peuvent tout à fait se réunir sur des plans aussi
humains que ceux touchants aux besoins de se loger, se nourrir, rire, croire et
vivre ensemble mais qui n’y arrivent pas. Même si le long-métrage traite des
méfiances des musulmans à l'égard des juifs et inversement, ce notamment grâce
au regard perplexe du protagoniste Jafaar à travers les grilles qui le séparent
d'une colonie israélienne, un but et un intérêt communs ne peuvent que
rapprocher des êtres au premier abord si différents, qui ne le sont finalement
que par leurs coutumes et leurs croyances. Pourtant ici une croyance les
réunit : le cochon est un animal impur. Ce but commun est celui sinon de
se débarrasser tout du moins de tirer profit d'un cochon, animal qui ne peut
toucher aucun des deux sols sans le souiller et qui est considéré comme le pire
des vices, mais moins pire que de parler à un soldat israélien ayant envahi
votre maison. Le musulman considère ce cochon comme une punition d’Allah et en
a peur. Il est plusieurs fois vu en train d’essayer de se purifier grâce aux
ablutions. L’eau est pour lui salvatrice alors même que c’est cette eau
méditerranéenne qui lui a apporté le cochon. Jafaar est terrifié par une
créature qu’il ne connaît pas et qu’il apprend à apprécier ou plutôt considérer
davantage au fil des bobines qui passent. Le cochon serait-il, plus qu’un lien
entre les deux peuples, une métaphore de l’Autre être qu’il faut comprendre et
accepter ?
Sans promouvoir un message
politique en faveur d’un Etat palestinien (« Ce cochon est un danger pour
notre Etat ! - Mais on n’a pas d’Etat ! » réplique un
palestinien comme dans un cri déchirant mais ironique à propos de cette sorte
de manque de reconnaissance d’une entité qui pourtant existe sur le terrain) ou
du renforcement des colonies israéliennes, sans prendre position (et c’est là
certainement le coup de génie du réalisateur Sylvain Estibal), le Cochon de Gaza promeut surtout un
message social et pacifique. Toute l’émotion se ressent lorsque les dialogues
écrits avec justesse laissent placent au silence de la mer, à la beauté des
paysages, à l’envol des oiseaux vers une liberté tant désirée, à cette dispute
vaine, inutile, silencieuse, exprimée uniquement par des gestes en ombre et
lumière, entre un homme musulman et une femme juive, entre deux communautés,
dans la promiscuité d’une barque bancale et fragile, où l’équilibre se mesure
en millimètres et se joue à peu de tempérance près. Suivent les dernières
images : celles de l’espoir d’une reconstruction quitte à ce qu’elle soit
sur des béquilles parce que plusieurs membres décisifs ont été perdus en cours
de route, l’espoir d’une réunion autour de joies quotidiennes de la vie,
l’espoir de sourires, l’espoir de retrouver une terre, l’espoir de survivre,
l’espoir de simplement se tenir debout côte à côte dans la tolérance face au
dynamisme d’une danse.
En sortant de la salle, on se dit
« tout ça pour un cochon ! » avec quelque peu d’ironie parce que
toutes ces péripéties, et on constate à quel point il est facile de s’enliser
rapidement dans une situation complexe et de s’enrôler sans le vouloir dans un
groupe terroriste, sont les conséquences d’un petit animal pourtant inoffensif
et pêché complètement au hasard.
Bande annonce
Alors bien sûr on se demande :
« qu’est-ce qu’un cochon vietnamien faisait dans les eaux Méditerranéennes ? »
mais il n’était qu’un prétexte pour faire un beau film de plus sur le sujet
israélo-palestinien mais avec davantage d’humour, de beauté, d’émotion et
surtout d’originalité. C’est ce qui marquera le spectateur enthousiaste à la
vue de cet hymne au partage. La poésie est totale, jusqu’à la fin et la musique
nous transporte dans un voyage à la fois initiatique et renaissant. Après
réflexion, on se dit aussi que tout cet espoir n’est qu’une illusion au pied
d’un mur de béton armé gigantesque, on se dit que cette vision poétique et
drolatique n’est en fait qu’utopique, qu’elle nous a fait rêver pendant une
heure trente et que malheureusement, la réalité est autre. Mais je pense qu’il
ne faut tomber ni dans l’optimiste naïf ni dans le défaitisme absolu : les
solutions existent, les intérêts communs aussi, il faut creuser des tunnels
dans les mentalités pour percer les blocs d’intolérance et il faut aller
jusqu’au bout des résolutions.
Alors, tous à vos écrans!
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