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samedi 15 juin 2013

Gatsby le décevant



Sorti le 15-05-13
(Livre de Fitzgerald paru en 1925)
De Baz Luhrmann
Avec Leonardo Dicaprio, Tobey Maquire, Carrey Mulligan
Genre: Drame, Romance
Australien, Américain









 


Accueilli en grandes pompes à la grande soirée d’ouverture du Festival de Cannes édition 2013, Gatsby Le Magnifique se prévalait d’être ou semblait être le film génial de l’année, la grande révélation, le grand retour aussi de Baz Luhrmann qui était devenu célèbre grâce à son exploit dans Roméo+Juliette puis dans Moulin Rouge mais qui depuis était plutôt discret voire avait frôlé l’échec total avec Australia. 



J’en attendais donc beaucoup de ce Great Gatsby, peut-être trop. Du coup, Gatsby le Magnifique est un peu devenu Gatsby le décevant. Une déception que j’ai toutefois du mal à expliquer. J’éprouve bizarrement une certaine difficulté à mettre le doigt sur ce qui ne va pas dans le film. J’avais beaucoup aimé la folie extravagante de Roméo+Juliette et de Moulin Rouge, les musiques créaient un univers imparable et absolument génial, unique. Luhrmann savait y faire avec les histoires d’amour épiques et romanesques.


Bande annonce VOST 

Pourtant dans Gatsby le Magnifique, on a l’impression finalement qu’il a loupé le coche derrière sa caméra. Commençons par la 3D, sur laquelle je serai très rapide car son insignifiance ne mérite vraiment qu’une phrase. Ah voilà je l’ai déjà dit, elle ne sert strictement à rien, malheureusement comme trop souvent. On veut nous faire croire que les flocons de neige et les glissés sur le lac vers les énormes demeures et manoirs méritent la 3D alors qu’elle n’est justifiée que par un appât du gain évident au détriment de l’attrait de l’esthétique. Ensuite, on dirait que le réalisateur australien se force : il se contraint à en faire des tonnes pour nous impressionner, pour nous en mettre plein la vue pour finalement pas grand-chose de substantiel. 



Le film a cependant le mérite de m’avoir donné envie de lire l’œuvre de Fitzgerald. La narration de Tobey Maquire semblait reprendre l’écriture du roman et sa beauté littéraire m’a attirée. La description des personnages et de leur complexité intérieure doit être bien mieux décrite et de ce fait mieux appréhendée dans l’œuvre écrite. Il est évident qu’il s’agit d’une histoire psychologique et sociale qui va bien au-delà des fastes superficiels sur lesquels Luhrmann s’est concentré en apparence au lieu de creuser l’âme des personnages qu'il n'évoque brièvement que dans quelques flashbacks ou quelques regards soi-disants mystérieux. 



Ce qui sauve le film, c’est bien sûr le jeu impeccable et imparable d’acteurs de talent. Dicaprio est excellent, autant que ses acolytes qui s'imprègnent de l'atmosphère ambiante pour jouer le jeu et mettre sur le tapis toutes leurs cartes. Les effets visuels  remontent aussi le niveau du film car ils laissent pantois. Yeux ébahis et bouche ouverte, les feux d'artifice nous remplissent d'étoiles et les litres de champagne nous rendent saoûls, ivres de ce trop plein. Un bon point à la reconstitution vestimentaire et styslistique: chaque costume, chaque robe, chaque décor est soigneusement peaufiné et cela donne un résultat tout à fait satisfaisant.


 

La bande originale me laisse perplexe. Le mélange entre jazz et musique des années 1920 avec des mash up contemporains de Beyoncé et Jay-Z est à la fois bizarre, stupéfiant et intéressant. Lana del Rey quant à elle ne me convainc pas vraiment. Seuls The XX reste un choix de qualité à mes yeux pour leur atmosphère tout aussi décalée et vibrante que la vie de Gatsby. C’est un choix osé, qui s’assume, qui se marie avec l’atmosphère générale du film audacieux  mais qui ne m’empêche pas de me sentir gênée. Gênée parce que d’autres musiques auraient peut-être été davantage adaptées, auraient moins fait tâche. On a l’impression que le réalisateur a hésité entre un remake moderne du roman et une version traditionnelle reprenant l’époque à proprement dite des années 1920 et de la prohibition de l'alcool qui coulait pourtant à flot. S'il avait choisi l'un ou l'autre, c'eut été avec plaisir que j'aurais découvert une remasterisation complètement moderne ou une édition purement conservatrice des origines. Il est vrai que choisir seulement un style eut été peut-être trop plat, peu risqué, peu motivant. Mais le mélange était-il la meilleure des solutions dans notre cas? En ressort une sorte de mixture pâteuse qui laisse un goût sucré-salé, amer et doux en même temps et âpre dans la bouche. 



Même si Gatsby Le Magnifique n’est pas le film - magnifique - de l’année comme d’aucuns ont pu le laisser entendre, cela reste un bon film à voir pour se divertir et se faire soi-même une idée. Ne vous inquiétez pas, les deux heures quarante cinq ne sont longuettes qu’à certaines scènes, pas à toutes heureusement et dans l’ensemble la pellicule reste assez dynamique. 

Alors, tous à vos écrans !

mardi 4 juin 2013

L'Ecume des jours qui passent et laissent de la mousse sur leurs chemins

L'Ecume des joursSorti le 24-04-13
(Livre de Boris Vian paru en 1947)
De Michel Gondry
Avec Audrey Tautou, Gad Elmaleh, Romain Duris
Genre: Comédie dramatique, Fantastique
Français





Les échos et les critiques ont été plutôt négatifs concernant le nouveau film de Michel Gondry (réalisateur aussi de La science des rêves et d'Eternal Sunshine of the spotless mind, on comprend dès lors mieux sa patte et son goût pour les univers décalés et songeurs), L’Ecume des jours, cependant de mon point de vue personnel, je ne comprends pas vraiment pourquoi. Certes, le film est assez spécial. Tout comme le livre dont il est tiré, le roman de Boris Vian écrit en 1947. 


Le film est déluré, original, peut-être même parfois difficile à capter dans son délire mais cela reste un bon film. Il a les qualités d’un long-métrage divertissant et agréable. Les acteurs offrent un jeu sans chichis, un jeu tout à fait correct. Les musiques de la bande-annonce sont à la fois douces et entraînantes, elles rappellent un peu les vacances ou les histoires d’amour, les voyages ou les tristesses de la vie. Bien choisies, elles ponctuent les scènes d’une ambiance mélodieuse. Elles rendent d'ailleurs également hommage à la passion pour le jazz de Boris Vian lui même trompettiste. 


Bande annonce:

Pour une fois, j’ai préféré le film au livre. Certes, les inconditionnels de Boris Vian m’assassineront sur place. Il n’empêche que son style déluré et loufoque, son imagination débordante et sa poésie ne pouvaient être que plus représentatifs visuellement. Michel Gondry et ses techniciens ont donc réussi le pari de mettre en scène un univers totalement nouveau que les effets techniques et autres effets spéciaux permis par la magie du cinéma et des images actuellement ont tout à fait bien rendus. On a les yeux qui pétillent devant tant de couleurs et d’imagination.


Ce que l’on retient, ce n’est pas tant l’histoire d’amour banale qui est racontée mais plutôt sa poésie et sa mélancolie en même temps, une joie simple atténuée par les mauvais moments à passer de la vie. Touchant, l’Ecume des jours est proche de nous et réussit tout de même à nous faire voyager dans un monde de rêves hallucinés où l’on est déjà habillé en sortant du lit, où les fleurs nous guérissent et où un piano et ses touches de musiques peuvent nous servir un cocktail alcoolisé délicieux ou plein de fausses notes. 


Je retiens donc des images fortes, cruelles ou douces, tristes ou heureuses, marquantes et vivantes, colorées puis dégradées, je retiens un bon moment, drôle parfois, mélancolique souvent. Je retiens une jolie vue de Paris, une adaptation réussie, précise et détaillée, une bande son vraiment bonne. Je retiens mon envie de me plonger davantage dans cet univers pour pouvoir moi-même profiter de toutes les inventions de Vian. Je retiens aussi l'effervescence intellectuelle et artistique des années d'après-guerre où Jean-Sol Partre est l'éminente représentation de l'engouement fanatique envers Jean-Paul Sartre. Je retiens également une critique sous-jacente de la société naissante de consommation, d'envahissement des objets quels qu'ils soient et d'enfermement dans des obsessions accablantes envers un matérialisme peu important au regard des autres valeurs de la vie: l'amour, la santé, le partage, la jeunesse... 


Une petite perle du cinéma français cette année à ne pas rater. 

Alors, tous à vos écrans !

lundi 24 décembre 2012

Anna Karénine



Sorti le 5 décembre 2012
(Roman de Tolstoï paru en 1877)
De Joe Wright
Avec Keira Knightley, Jude Law
Genre: Adaptation, Historique, Drame
Britannique








Un couple inséparable 

Il y a toujours un réalisateur et un acteur (ici une actrice) fétiche. 

Joe Wright est un réalisateur que je connais bien puisque de lui, j’avais déjà vu ces deux films majeurs dirait-on, en tout cas les plus connus, Orgueil et Préjugés et Reviens-moi. Le premier, adaptation du magnifique roman de Jane Austen non moins brillante de par sa fidélité à l’œuvre littéraire, sa composition typiquement british, son charme et son élégance classique et sa très belle musique. Le deuxième, adaptation également fidèle de l’œuvre de Ian McEwan Expiation (Atonement en anglais), est l’un de mes films préférés car il recompose de manière à la fois poétique et dramatique dans un style soutenu et vif une histoire tragique se mêlant à l’Histoire de la seconde guerre mondiale. Toujours avec finesse et prestance, Keira Knightley se distingue et interprète à la perfection les rôles de ces femmes souvent victimes, souvent empruntes à un grand désarroi et en même temps à une histoire amoureuse passionnée et passionnelle. 



Le classique 

Je connais donc bien ce couple cinématographique Wright-Knightley et je vous avoue que je m’attendais, avec une certaine appréhension de déjà-vu, à revoir toujours la même chose : un style classique aiguisé à la perfection, minutieusement préparé et conçu, des belles robes soyeuses d’époque à répétition et des bals si nombreux qu’ils vous font tourner la tête. Je m’attendais à voir la même composition, la même scénographie, les mêmes sourires et les mêmes larmes ou cris, la même musique. Certes, il y a une scène dans Anna Karénine qui est exactement identique à celle d’Orgueil et préjugés où les deux futurs amants sont au bal, ils dansent et tournoient sans cesse au milieu des autres couples danseurs quand soudain ils se retrouvent seuls dans la salle de fête, seuls à danser, comme si le monde autour d’eux s’évanouissait et n’avait plus d’importance que leur danse à eux, leur regard à eux, leur amour à eux. 



Le moderne 

Cependant, à part cette scène, permettez-moi de vous dire que vous allez être surpris ! Je dois bien reconnaître que j’ai été cette fois-ci très étonnée par le film de Joe Wright. On retrouve bien sûr sa patte, des éléments de sa poésie, des éléments du drame romantique classique mais il a clairement essayé cette fois-ci d’être, allez j’ose le mot, d’être moderne. On parle de modernité à tout va, on a parlé d’une version moderne de Marie-Antoinette par Coppola, peut-on ici parler de modernité ? La mise en scène est définitivement originale. Elle l’est tellement que pendant les dix premières minutes du film, vous êtes un peu interloqués, vous ne comprenez pas trop ce qui passe ni dans le fond ni dans la forme de la narration. Et puis petit à petit les choses se mettent en place et tout s’éclaire. Je reprocherais à ce début d’être trop confus. 

Une œuvre littéraire au cinéma 

Cette fois-ci, cependant, et c’est peut-être plus clair pour qui a lu le livre, je ne peux attester de la fidélité ou juger de l’adaptation par rapport à l’œuvre littéraire de Léon Tolstoï puisque je viens à peine de commencer les quelques pages de cet énorme pavé. Le film a peut-être déjà le mérite d’avoir su condenser l’œuvre très longue en - à peine - deux heures. D’aucuns ont trouvé certaines longueurs dans le film. Personnellement, je ne me suis pas ennuyée une seconde ayant au contraire trouvé le rythme soutenu et captivant comme toujours cadencé par une musique au piano (on retrouve ce repère) néanmoins se distinguant bien des autres compositions entêtantes d’Orgueil et Préjugés ou du piano martelé d’une machine à écrire dans Reviens-moi. En somme, une jolie musique au piano qui sait s’imposer dans les moments terribles et se faire discrète aux bons moments. 

Bande Annonce VOST

Un couple original : théâtre in cinéma 

Lorsque les dix premières minutes passent et que vous avez finalement réussi à entrer dans l’histoire, vous la suivez d’un œil parce que la bande annonce vous a déjà expliqué les grandes lignes (une liaison qui détruit un mariage, en gros. Je vous laisse vous reporter au synopsis ici) et vous commencez à analyser de l’autre œil comment elle est racontée (défaut de vouloir toujours tout observer et analyser ? peut-être.), comme elle s’offre à vous. Tout ou presque se passe dans un théâtre. En réalité, ce qui est vraiment moderne dans ce film c’est qu’il n’est pas que film, il est aussi pièce de théâtre. Les scènes filmées sont extrêmement théâtralisées comme celles où tous les personnages s’immobilisent comme dans une peinture ou une scène de théâtre figée. 

Alors que le cinéma est (trop ?) souvent synonyme de mouvement, ici la pause permet de prendre son temps pour réfléchir, de mieux apprécier la joie ou le drame. Les expressions sont parfois sur-jouées et les personnages seraient presque plus proches de nous, parce qu’ils sont sur une scène en bois où le parquet craque. Les personnages sont seuls sur scène face à leur désarroi (l’enfant abandonné par sa mère dans son lit qui doit soudain le quitter le jour de son anniversaire car le père est entré et que les parents divorcés ne font plus bon ménage). Le théâtre sert de prétexte à mettre en scène le quai d’une gare d’ordinaire animé ici figé pour laisser avancer le personnage perdu au milieu de tous, ou l’opéra en lui-même que les personnages viennent assister mais où Anna Karénine est mise en disgrâce et recouverte de honte par les regards désapprobateurs de ses anciens « amis » de la société mondaine parce que la société c’est se recouvrir d’un masque et d’hypocrisie mais qu’ici, Anna se présente vraiment nue et à découvert avec audace et courage. L’espace où d’ordinaire se trouvent les sièges pour assister au théâtre sont enlevés ce qui laisse place à un espace vide pour le bal ou pour le simple transit des personnages qui se croisent comme dans le quotidien, car comme le disait si bien Jean-Paul Sartre, « la vie, c’est une panique dans un théâtre en feu ».


Le théâtre (le bâtiment) devient la maison où se croisent les amants en même temps qu’il est le bureau du frère d’Anna le comte Oblonsky, mais aussi le restaurant où dinent le frère et Lévine, l’amoureux transi de Kitty, celle qui était censé épouser l’amant qu’Anna lui a « volé ». Je vous l’avais dit que c’était compliqué.. et ce n’est pas faute d’essayer de rendre ça simple ! Les décors se transforment en même temps que les personnages évoluent. Les coulisses du théâtre où s’entremêlent les cordes servent de rue où vagabondent la classe sociale la plus basse, alors même qu’elle se trouve pourtant en hauteur par rapport aux salons nobles. Le théâtre devient une patinoire glacée et en même temps un hippodrome. Le théâtre est protéiforme et polymorphe. Il est pluriel et c'est dans cette capacité de se transformer que la scène devient d'autant plus magnifique. 

La théâtralité et la modernité continuent dans les robes de taffetas vert anis et prune aux formes peu inhabituelles (ou était-ce vraiment la mode à la russe de l’époque ?) et le ballet des vêtements qu’on enfile tout en lisant un télégramme ou tout en recevant un ami nous fait autant tournoyer la tête que les passions et les souffrances dans lesquelles se déchaînent les personnages. Le froid glacial de Russie est tellement sur-représenté qu’on en ressent des frissons dans la salle chauffée du cinéma et le train-jouet se transforme en vrai train qui pourtant, et c’est clairement (fait exprès ?) visible, ressemble à une maquette. Cela m’a semblé incongru. 



Des couples opposés : Kitty et Constantin / Anna et Vronsky 

Mais permettez-moi de revenir un instant sur l’histoire et de ne pas être réductrice au point de parler seulement d’une histoire de trahison. Il s’agit en réalité bien plus que cela de plusieurs histoires d’amours imbriqués qui remettent en question les mœurs et les valeurs morales de la société russe et plus précisément de la noblesse et de l’intelligentsia que Tolstoï critique, sous l’Empire russe dans la seconde moitié du XIXème siècle. Dans le film, plusieurs thèmes très importants sont rapidement abordés et sous-jacent à l’histoire principale : la religion, la mondanité, l’exubérance de la richesse, le faste et l’importance de l’apparence face au mode de vie des simples paysans-esclaves, la liberté, les divisions entre classes sociales… On décèle un manque de possibilité de les exploiter à cause du temps réduit de la pellicule ; on suppose que dans le livre ils sont davantage détaillés et de ce fait le film donne encore plus envie de lire l’œuvre. 

Les scènes les plus marquantes sont celles où ces thèmes sont abordés : lorsque le mari tente de retenir sa femme de le tromper car « ce serait tromper Dieu » et d’éviter un scandale public par peur du regard de la société mondaine. Lorsqu’en faisant l’amour et en ayant un orgasme avec son amant, Anna Karénine s’exclame « Pardonnez-moi mon Seigneur ». Lorsque Constantin Lévine, un propriétaire terrien, souhaite pourtant faucher le blé doré avec ses paysans et qu’il aspire à une vie plus simple et heureuse comme les paysans qu’il observe au diner, qui sont certes pauvres et qui ne sont pas libres mais qui sont heureux en amour et en couple, il devient dès lors le porte parole de Tolstoï qui luttait pour les pauvres et contre les privilèges. Cela transparaît dans le discours du frère malade de Constantin qui s’est marié à une prostituée et qui traite son frère de capitaliste juste parce qu’il porte un haut de forme et parle de manière distinguée pour séduire Kitty qu’il aime éperdument. En effet, il aspire à une vie à la campagne loin de Moscou et de ses ridicules mondanités mais souhaite épouser Kitty, une jeune princesse qui vient de ce monde. Lorsqu’elle lui prouve qu’elle peut dépasser les frontières sociales en côtoyant la femme prostituée et en l’aidant à s’occuper de son frère mourant, Constantin s’émerveille de ce que leur couple est fort et beau. 

Difficile d'être soi-même quand on vit dans une société du paraître


Parallèlement, l’autre couple des amants Anna Karénine et Vronsky déchire la famille Karénine (un haut fonctionnaire qui voit son projet politique abandonné en même temps que sa vie maritale chuter). La vie devient dégringolade, la vie est panique. On se doute de la fin grâce aux nombreux indices essaimés dans le film mais ce n’est pas ce suspens là qui importe vraiment. C’est plutôt comment on en arrive à cette fin là qui est intéressant. Et puis finalement, on a toujours tendance à se demander « et si c’était moi qui était dans cette situation, qu’aurais-je pu faire de différent ? Comment aurais-je réagi ? » On se trouve bien en peine de répondre. On a tendance à pencher du côté de l’auteur… oui c’est vrai qu’une vie simple finalement c’est mieux que tout ce luxe dérisoire… C’est un peu facile mais cela vaut la peine de se faire la réflexion. Ne serait-ce que sur l’évolution du regard de la société sur l’adultère, sur la valeur du mariage actuellement, sur la force ou non de pardonner charitablement et sur le train de vie que l’on peut avoir. Je pense que l’œuvre tolstoïenne regorge de réflexions profondes qu’il nous faut méditer et que Joe Wright a particulièrement bien essayé de mettre en exergue. 

J’aimerais faire une remarque pertinente qui m’a été inspirée par une amie. Kitty choisit finalement l’amour-raison envers Constantin puisqu’elle n’a pas pu avoir Vronsky qu’elle voulait par amour-passion. Anna avait choisi l’amour-raison quand elle s’était aussi mariée à 18 ans à Karénine mais après avoir résisté pendant de longues années, elle cède finalement à son amour-passion envers Vronsky. Comme le dit très bien ce dernier, l’amour-passion mène « soit au plus grand bonheur soit au plus grand malheur ». Certes, l’amour-raison est rassurant mais il est ennuyant alors que l’amour-passion est destructeur mais exaltant. Dès lors, quel choix faire ? Tour à tour les personnages choisissent puis changent alors que la vie mène son cours et que les choix sillonnent leurs parcours. Mais cet amour-raison n’est-il pas finalement aussi destructeur puisque Kitty ne finira-t-elle pas elle aussi par se lasser, et succomber à un autre amour-passion pour compenser sa frustration ? Le cercle semble vicieux si l’on ne fait pas les bons choix aux bons moments, mais comment savoir… 

Casting 

Keira Knightley continue d’exprimer à souhait le rôle de femme dramatique, d’anti-héroïne tragique racinienne. Cependant je lui reprocherai de ne pas renouveler ses mimiques, son jeu selon les différents personnages. Elle frise toujours une limite à ne pas dépasser mais elle remplit son rôle après tout si bien, qu’on a tendance à oublier que c’est toujours le même, dans tout ses films. Même dans A dangerous Method de David Cronenberg, elle joue une folle déchaînée dans son infatuation envers son psychanalyste. Je soulignerai la remarquable prestation de Jude Law en Karénine, mari humilié mais prêt au pardon, ferme et sérieux, solide et intransigeant mais déchiré et aussi remarquable maquillage puisque je ne l’ai reconnu qu’au bout d’1h30 de film (ou alors, c’est moi qui n’ait aucune capacité de reconnaissance faciale ?). Je noterai enfin la présence de Matthew MacFadyen (également méconnaissable !) qui joue ici le frère d’Anna mais qui était déjà son amant, le célèbre Darcy, dans Orgueil et Préjugés. 



En conclusion, à part quelques scènes franchement absurdes, inappropriées et inutiles (comme celle où un personnage se mouche de manière dégueulasse après que Kitty et Constantin se soient déclarés leur amour de manière émouvante à travers des lettres en bois - les anciens textos : et oui à l’époque aussi ils trouvaient ça plus facile à l’écrit - ou celle dans laquelle Constantin dit avoir eu une révélation à sa femme qui insiste « qu’est-ce que tu as compris ? » mais finalement il ne dit rien… peut-être tout était dans le regard et j’ai mal compris), le film se démarquera dans mon esprit pendant longtemps comme étant franchement original, beau, déchirant et très bien réalisé ce qui n’aurait pas pu faire mieux honneur à l’œuvre tolstoïenne. 

Alors, tous à vos écrans et pour le coup, tous à vos livres!