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mardi 12 février 2013

Lincoln/Django Unchained



Lincoln                                                                                     Django unchained
Sorti le 30 janvier 2013                                                              Sorti le 16 janvier 2013
De Steven Spielberg                                                                  De Quentin Tarantino
Avec Daniel Day-Lewis, Tommy Lee Jones                                 Avec Jamie Foxx, Leonardo DiCaprio 
Genre: biopic, drame                                                                Genre: western, historique
Américain                                                                                 Américain


Les américains ont décidé de se replonger dans l'une des époques les plus sombres de leur histoire nationale, celle de l'esclavage et de la guerre de Sécession, à travers deux films sortis à peu près à la même période: Lincoln de Steven Spielberg et Django unchained de Quentin Tarantino. Autant dire deux grands réalisateurs qui ont déjà fait leurs preuves il y a bien longtemps.

Deux films très différents et donc incomparables mais qui pourtant se rejoignent sur leur thème de fond. Spielberg traite davantage de la personnalité du président Lincoln et du processus menant à l'amendement abolissant l'esclavage alors que Tarantino s'attèle à montrer les affres de l'esclavage deux années avant que n'éclate la guerre de Sécession, guerre américaine la plus meurtrière.

J'ai bien aimé Lincoln mais sans plus alors que j'ai adoré Django unchained qui était selon moi vraiment génial. Let's see why.

Lincoln



Spielberg est un bon réalisateur, pas de doutes là dessus, les films il sait les faire et il les fait bien. Pourtant, pourrait-on dire qu'il s'essouffle avec l'âge? La bande annonce de Lincoln nous promettait un film magnifique sur l'une des plus belles causes pour lesquelles on ait pu combattre avec moults péripéties et aventures. Cependant, à force de vouloir marquer les esprits et l'histoire et d'être trop épique, le film en devient trop mélodramatique. Chaque dialogue se transforme en un discours solennel emprunt de belles phrases et citations stylisées soignées par les scénaristes à chaque mot et à chaque virgule prêt. Chaque dialogue est une petite histoire dans la grande Histoire. Chaque phrase prononcée est un apprentissage, véhicule d'une morale. Tout cela est nimbé dans un nuage oppressant et sur représenté de violons lyriques et de musiques épico-classiques censées vous tirer des larmes d'émotion. Sauf que cela produit tout le contraire: ennui et agacement. 


Certes, les historiettes de Lincoln sont divertissantes et amusantes mais trop nombreuses. Il semble que Spielberg ait voulu mettre tous les détails historiques qu'il a pu rassembler et finalement cela crée une histoire décousue, mal montée, pleine d'éléments qui restent inexpliquées et trop fournie. La confusion devient reine et l'incompréhension totale devient maîtresse.

Je soulignerai cependant la remarquable prestation des acteurs aussi bien de Daniel Day-Lewis que de Tommy Lee Jones et de tous les autres. Ils nous plongent vraiment dans le contexte et leurs manières de penser de l'époque. Il est aussi intéressant de se rendre compte que l'amendement abolissant l'esclavage n'a pas été complètement voté sur des valeurs anti-esclavagistes et d'égalité de l'être humain mais bien sur des affaires de corruption pour obtenir le nombre nécessaire de voix. Lincoln se défend à un moment en disant qu'il ne s'agit pas de corruption car on ne donne pas d'argent mais un poste, un emploi. Belle parade pour contourner ce qui peut être appelé de corruption. Vous me direz que finalement ce qui compte c'est que l'amendement soit passé et pas comment il est passé mais je vous rétorquerai qu'il est important de voir sous la première histoire apparente les causes et les ressorts d'une telle conséquence qu'est l'abolition de l'esclavage. Les Etats-Unis qui s'enorgueillissent toujours d'etre l'une des premières nations à l'origine de la démocratie et de l'égalité peuvent bien recevoir ce film de Spielberg comme une leçon d'humilité face à la corruption, à la manipulation et au mensonge qui mènent la politique américaine. De plus, malgré le fait que le spectateur averti sache déjà l'issue positive du vote de l'amendement, Spielberg a tout de même réussi à maintenir un certain suspens et une excitation au moment du vote du treizième amendement. On se demande qui va voter pour ou contre, qui va changer d'avis, on se demande si les commissaires venant du Sud pour conclure la paix vont être découverts et tout mettre en péril. On se rend compte dès lors que cette abolition historique n'a tenu qu'à un fil et que le soulagement qui a suivi était bien mérité. 



Mis à part ces trois bons points, le film se révèle longuet et présente peu de relief. Il est clair que Lincoln incarne un personnage fort et très présent, qui sait mettre son public à l'écoute mais il est acclamé et adulé alors même que le combat idéologique s'essouffle derrière l'acharnement pour obtenir quelques voix de plus nécessaires. Cependant, il est beau de constater la lutte acharnée de Thaddeus Stevens interprété par Tommy Lee Jones pour l'égalité raciale entre les noirs et les blancs. Il a du toutefois se plier à avancer seulement un discours d'égalité devant la loi et non pas d'égalité raciale pour que l'amendement puisse être accepté par les mentalités pas encore aussi avancées que la sienne. Ce qui est incroyable c'est que le changement ait du se faire dans la crise et la guerre au prix de milliers de morts pour que les noirs puissent enfin obtenir leur liberté. Ce qui est encore plus incroyable c'est que malgré cette reconnaissance de leur liberté, il leur faudra encore un siècle pour que la ségrégation disparaisse et que les mentalités évoluent vraiment. On constate d'ailleurs que la dignité et l'égalité sont premières et deviennent la cause, la condition pré-requise pour obtenir la liberté.

Django

 Bande annonce VOST

En ce qui concerne Django unchained en revanche, Tarantino réussit un coup de maître à savoir rester fidèle à lui-même en ne succombant pas aux difficultés de réussir à nouveau un film après avoir reçu une palme d’or à Cannes en 1994 pour Pulp fiction et après en avoir convaincu plus d’un. Les attentes étaient importantes et n’ont pas été déçues. Django se démarque par sa bande originale absolument prolifique, variée, bien adaptée et géniale mais aussi pour sa photographie et son scénario impeccable.
Il est vrai que le film ressemble beaucoup à Inglorious Basterds : reprendre une époque controversée et horrible de l’histoire et en faire un film cinglant d’humour et de dérision. Tarantino a trouvé un bon filon et le réexploite. Cependant, cette fois-ci et au contraire d’Inglorious Basterds il ne change aucunement la réalité. Il a dépeint en fait avec un réalisme plus que cru comme en témoignent les scènes de punition au fouet, de torture, de racisme et de tueries bang bang où tous les cow boys se tirent dessus avec leur gun et avec une facilité déconcertante.


La violence, un thème toujours sujet à débat…

Tarantino nous présente un vrai western spaghetti où le sang est du ketchup et où la violence est tellement exacerbée qu’elle devient parfois fausse, surfaite, oserais-je dire parfois inutile. Il est évident que les scènes de torture sont là pour dépeindre une réalité tout aussi horrible soit-elle et qu’elles ne sont pas inutiles. Cependant, je pense que le combat à mains nues entre les deux noirs ou le noir qui se fait manger par un chien sont des scènes gratuites, montrer de la violence pour montrer de la violence. Je n’aime pas la violence gratuite dans les films et pourtant j’adore la filmographie de Tarantino. C’est paradoxal, je sais. Mais même si cela constitue entre autres choses la patte du maître, il pourrait faire des films tout aussi bien sans en rajouter autant. Voir des boyaux et des organes n’est pas en soi esthétique ni intéressant pour comprendre la portée du film. En revanche, Django est beaucoup moins violent ou gore qu’Inglorious Basterds ou que Kill Bill par exemple alors qu’on m’avait dit le contraire. Se serait-il légèrement calmé et assagi l’âge venant ? Quoi qu’il en soit, soit on ferme les yeux (comme moi) soit on souffre avec les personnages auxquels on s’attache (comme moi aussi). Cette violence sur-exposée, exacerbée ne serait-elle pas finalement et au contraire nécessaire comme dans les arènes antiques lors des combats de gladiator pour opérer à la catharsis du spectateur? Mais en a-t-il vraiment besoin, cela va-t-il le purger ou le défouler, l'empêcher d'en arriver à cette perte de domination de lui-même? Tout préfigure la violence, du générique rouge sang du début jusqu’au carnage final qui selon certains a été déclenché par un acte inutile mais vous révéler lequel serait faire du spoil. En tout cas, il est vrai que le début du film est génial et contraste grandement avec une fin longuette qui aurait pu être largement raccourcie. Tarantino en rajoute et en rajoute encore une couche au lieu d’en finir plus rapidement. D’ailleurs, son apparition à la fin en tant qu’acteur m’a dérangée : on a l’impression qu’ils n’ont pas eu assez de budget pour embaucher un énième figurant ou que le réalisateur veut se montrer à l’écran. C’est totalement inutile et je trouve que chacun doit rester à sa place, en l’occurrence le réalisateur derrière sa caméra à exercer tout son talent. M’enfin passons, ce n’est qu’un détail.


En parlant du casting… 

Jamie Foxx en personnage leader, Christoph Waltz en chasseur de prime allemand raffiné et ayant l’art de la négociation diplomatique, DiCaprio en Monsieur Candy déluré et dandy ou encore Samuel L. Jackson (acteur fétiche de Tarantino) en vieux pépé aigri et insupportable excèlent dans leur prestation et leur personnage semblent taillés au millimètre pour eux. Ils sont juste prenants, à fond dedans, réalistes, exagérés au maximum ou toute en retenue comme il faut. Chaque réplique est un souffle que l’on retient, chaque dialogue a un rythme propre qui nous tient en haleine car dans ce monde de truands et de brutes tout peut basculer au moindre mot de travers. Chaque échange est une dynamite dynamique. Chaque interpellation nous fait avoir des sueurs froides dans notre siège. Le scénario est juste parfait, on sent le travail de perfectionniste derrière et surtout on sent que c’est une équipe qui tourne bien ensemble, qui a une cohésion qui nous propose ce western d’un genre nouveau. Django reprend à la fois les thèmes classiques des western (et reprend le Django de Sergio Corbucci de 1966) tout en innovant avec la touche personnelle à la Tarantino. Les fleurs de coton immaculées de fines gouttes de sang nous rappellent la neige tâchée du même liquide rouge dans Kill Bill et l’imagerie des paysages américains sous le soleil brûlant est magnifique. Chaque image est une photographie qui s’accompagne d’une musique tout à la fois surprenante (raps de bads boys qui en imposent) et entraînante, ponctuant l’action avec dynamisme et s’arrêtant net lorsque le silence suffit à emplir nos oreilles de suspens. Si cette musique est si géniale c'est parce qu'elle est en partie réalisée par le classique compositeur italien des western Ennio Morricone. La bande originale est ainsi à la fois classiquement représentative des westerns (harmonica, guitare classique) tout en se démarquant par son originalité (raps d'action, voix douce féminine, etc.).



Le thème historique de l'esclavage est rendu beaucoup plus vivant dans Django. L'aspect historique n'empêche toutefois pas au film de prendre du recul sur toute cette folie en l'ironisant et en la critiquant avec cynisme et humour, comme sait si bien le faire Tarantino. Par exemple, la scène où Django est à cheval et que le village entier le dévisage ou lorsqu'il se transforme en chasseur de prime c'est-à-dire un noir payé pour tuer des blancs, si ce n'est pas génial à une époque esclavagiste! Quoi qu'il en soit, le film est cadré, taillé, construit au millimètre près ce qui lui donne une précision appréciable. En somme, la bande originale est aussi impeccable que la réalisation, le montage et le jeu des acteurs. A voir absolument! 

Alors, tous à vos écrans ! 

(Merci aux débats et idées fructueuses de mes amis cinéphiles qui ont implicitement contribué à l'écriture de cette analyse) 

1 commentaire:

  1. "Il semble que Spielberg ait voulu mettre tous les détails historiques qu'il a pu rassembler et finalement cela crée une histoire décousue, mal montée, pleine d'éléments qui restent inexpliquées et trop fournie. La confusion devient reine et l'incompréhension totale devient maîtresse."
    Je vois pas à quoi tu fais allusion, que n'as tu pas compris ?

    Dommage que tu t'arrêtes sur des détails de politique évidents et que tu oublies que Lincoln est avant tout un film historiquement juste et fidèle comme rarement on n'en a vu au cinéma...
    Je crois de plus que tu fais une erreur d'interprétations en parlant de milliers de mort pour venir à cet amendement, à cette liberté, qui est comme le précise Lincoln, qui était assez modéré sur la question, uniquement un moyen d'achever la guerre en surprenant les Sudistes.

    Le Django de Tarantino ne reprend pas du tout le Django de Corbucci dont le héros n'était ni noir, ni esclave (ça enlève d'emblée de gros points communs) et dire qu'il n'a ajouté qu'une "touche personnelle" est plus qu'un euphémisme ^^

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