Rechercher dans ce blog

vendredi 21 décembre 2012

Skyfall



Sorti le 26 octobre 2012
De Sam Mendes
Avec Daniel Craig, Judi Dench, Javier Bardem
Genre: Action, Espionnage
Américain, Britannique 













Le ciel m’est tombé sur la tête ! 

Le nouveau James Bond a fait polémique : pour certains il ne s’agit plus que d’un film d’action à gros budget qui a perdu l’âme de l’espion britannique, notamment depuis que Daniel Craig, le blond musclé aux yeux bleus est devenu le nouveau OO7. Il n’est pas un brun ténébreux comme Sean Connery en son temps ou plus récemment Pierce Brosnan et il ne rend pas heureux les James-Bond-fans-de-toujours. Pourtant, « I agree to disagree », je ne suis pas d’accord. 

Bon, mon interprétacteur (mot-valise bien pratique que je viens d’inventer) préféré est Pierce Brosnan, je vous l’avoue, c’est juste une histoire de feeling et sûrement aussi d’époque : il a été mon premier, mon premier James Bond. Mais cela ne m’empêche pas d’apprécier Daniel Craig qui interprète très bien un agent secret fort (« je me plante un couteau dans la peau et d’abord j’ai même pas mal ! » beurk…) et mystérieux, et qui réussit à être un blond ténébreux (si si c’est possible, la preuve) en puissance. Je ne vois pas pourquoi James Bond devrait être brun, blond avec des yeux verts ou cacahuète, il pourrait même être roux (ho mon dieu, scandale !) qu’on s’en ficherait. Je veux dire : l’important c’est pas le physique, n’est-ce pas ? L’important c’est l’âme du James Bond : un espion qui séduit les femmes, qui fait des petites blagues tout en tuant le méchant et qui trouve encore du temps pour faire le tour du monde en se la pétant.


 Bande annonce VOST


Bon, je vous accorde aussi qu’il y a beaucoup plus de cascades spectaculaires qu’avant, que le budget est devenu pharaonique et que les effets spéciaux se sont fait une énorme place (le métro qui te fonce dessus, comment réussir à ne pas montrer qu’il s’agit d’un montage sur ordinateur - ou d’une maquette très très bien faite -). Mais encore une fois, où est le problème ? James Bond (que ce soit le personnage comme le film éponyme) ne pouvait pas en rester aux années 1960, il se devait d’évoluer avec son temps et je trouve que c’est plutôt bien réussi. Contrairement au dernier James Bond, Quantum of Solace, que j’avais trouvé très décevant, Skyfall a franchement bien rattrapé le coup. 

Skyfall témoigne de l’évolution des James Bond car il intègre les problématiques actuelles : les cybers attaques qui sont les nouvelles guerres d’aujourd’hui et de demain, les ennemis qui ne sont plus des Etats mais des personnes individualisées et les institutions gouvernementales en crise profondément remises en question et attaquées pour leur (manque d’) efficacité. Le jeune Q interprété par Ben Whishaw chargé de donner tous ses gadgets à James Bond représente éminemment cette nouvelle génération et cette nouvelle tendance. Face à un magnifique tableau de Turner, il rencontre 007 avec humour et poésie. Alors qu’on avait l’habitude du bon vieux et incontournable John Cleese, le visage est frais et jeunot mais pas moins efficace. Il propose à Bond uniquement un pistolet avec reconnaissance par emprunte digitale et ajoute ironique aux vues de l’air surpris et mécontent de Bond « vous ne vous attendiez tout de même pas à un stylo qui explose ? » La réplique est drôle, efficace, cinglante. Référence directe aux anciennes valises qui diffusent des gaz lacrymogènes et autres bagues brisant la glace. Désormais, les gadgets sont épurés, peu nombreux mais terriblement utiles. On innove tout en rendant hommage aux précédents films, c’est parfait. 




Javier Bardem

Ce qui est très intéressant c’est de voir en l’espace d’un mois à peine un James Bond des années 1960 « Bons baisers de Russie » et un James Bond fraîchement sorti des années 2010 « Skyfall ». Toutes les semaines j’assiste en effet à un atelier de cinéma en anglais à mon université (http://crlcinema.wordpress.com/et on a fait un cycle « Sean Connery » du coup on a commencé avec Bons baisers de Russie. C’était marrant de pouvoir comparer l’évolution. A l’époque, ils n’hésitaient pas faire presque semblant et à ce que ça se voit. Tout était plus artisanal mais cela permettait davantage de réalisme. C’est tout aussi distrayant. Bond avait la class, il l’a toujours. Bond avait l’humour (hop là je remets ma cravate et mes boutons de manchettes alors que je viens de tuer un homme), il l’a toujours. Bond était vieux jeu avec les femmes, désormais ce sont elles qui le tuent ou font les bad girls en le menant par le bout du nez. Bond se promenait dans le grand bazar d’Istanbul, désormais il fait une course poursuite en moto sur les toits de la ville face à la Grande Mosquée. Bond était dans la Guerre Froide un acteur majeur, Bond est désormais un pion du MI6 dans les conflits internationaux qui vieillit et se noie dans l’alcool. 

Cette fois-ci, on attestera d’une présence bien moins importante des « James Bond Girl ». Bien sûr les scènes torrides dans la douche   ou contre un mur sont encore là. Et ce n'est pas moins qu'un agent féminin qui fait disparaître James Bond. C'est dans une scène au fil du rasoir que le suspens se pend à notre gorge et qu'un simple acte de nettoyage devient sensuel. Bien sûr, les femmes sont encore là, envoûtantes. Mais moins peut-être parce que notre James n’a pas trop la tête à ça et qu’il se morfond plutôt sur lui-même et sur son existence. On assiste à un James Bond bien plus sentimental, bien plus profond aussi et pour une fois, ça fait du bien. Avoir davantage accès à notre agent double préféré au lieu de le voir complètement distant de toute chose a du bon en soi. On découvre l’enfance orpheline et triste de Bond dans un manoir perdu au milieu des paysages délabrés d’Ecosse. Le manoir semble hanté de souvenirs rappelés par le garde-chasse. Le conflit semble de prime abord très international avec un petit détour par la Chine et une scène magnifique au niveau du jeu des lumières et de la musique sur une île-casino entourée de lampions et de dragons en papier et qui accueille ses visiteurs avec un vrai dragon de Comores tout à fait charmant. Mais en réalité, le conflit devient personnel.

Il est vrai que le film démarre lentement, le méchant n’arrive qu’au bout d’un certain temps. Mais je ne me suis pas ennuyée et si vous oui, c’est que vous n’avez jamais vu Last Days. Ce méchant est en fait un fantôme du passé de M et tous ces obscurs événements et meurtres ne sont finalement le fait que d’une vengeance personnelle qui a pris une sacrée ampleur. Ce méchant, c’est Javier Bardem qui le campe. Un de mes acteurs fétiches qui à mes yeux est l’un des meilleurs acteurs de ce siècle. Bon, en blond je vous l’accord il est terriblement laid. Mais on a dit que l’apparence ne comptait pas ! Dans ce rôle de schizophrène paranoïaque voulant défier le monde entier mais surtout ses deux ennemis jurés, il est juste parfait. Fou, piquant, effrayant. Il entre tellement dans son rôle que c’en est presque inquiétant mais absolument remarquable.


Adèle - Skyfall song 

James Bond est donc plus humanisé, moins héroïque. Ou alors c'est un héros différent, un héros des temps modernes, au coeur fragile, en proie aux doutes et un héros courageux dans son élégance et son humilité. Il nous touche dans son désarroi et dans sa quête d’utilité. Entre la vie et la mort, tel un zombie errant, tel un fantôme de lui-même, il se cherche comme nous tous et ses faiblesses sont apparentes. James Bond vieillit tout simplement, et ses aptitudes ne sont peut-être pas aussi bonnes qu’avant. Il lui faut l’accepter mais cela reste difficile. Il est aussi humanisé dans ses rapports avec M, qui sont de plus en plus forts et de plus en plus émouvants. Ils vieillissent ensemble et doivent défendre avec ferveur leurs rôles, leur utilité, leur vie en somme. L’action de la jeunesse laisse place aux rides et aux paroles mûres et assagies par l’expérience. Le plaidoyer poétique de M devant les ministres est très beau et emblématique du combat qu’il faut mener pour garder sa place, car même les plus hauts peuvent chuter. 

“We are not now that strength which in old days
Moved earth and heaven; that which we are, we are;
One equal temper of heroic hearts, 
Made weak by time and fate, but strong in will 
To strive, to seek, to find, and not to yield.” 

Ulysses, Lord Alfred Tennyson

Skyfall est beaucoup plus photographique et visuel que ses prédécesseurs, c’est peut-être ça qui en fait un beau film, plus qu’une simple distraction. Les paysages écossais sinistres mais enveloppés d’une brume charmeuse, la skyline de Shanghai avec ses lumières bleutées et miroitantes, informatisées et mouvantes, les dragons rouges et les feux jaunes, les lacs gelés et les flammes rougeoyantes, le bleu et le rouge, le froid et le chaud toujours en oppositions, mais aussi les plages paradisiaques… tout cela donne un visuel dense et riche qui ne fait qu’éblouir nos yeux. Seul bémol: le manoir, qui est par ailleurs une bombe à retardement mais qui nous ravit par sa défense aussi artisanale et simple qu'intelligente et efficace (retour aux vrais valeurs du combat, finies les victoires aisées), semble un peu posé comme un cheveu sur une soupe au milieu des paysages désertiques écossais, posé comme un ballon de baudruche au milieu d'aiguilles, sur-posé je dirais même. Mais bon, ça ne fait que renforcer l'austérité et l'isolement du lieu qui ont déteint sur l'enfant puis l'adulte Bond. 



Finalement, James a fait un grand Bond en allant vers la modernité tout en gardant et en équilibrant ses liens (bonds en anglais) avec sa tradition so British. En témoignent l’agent double méditant mystérieux devant le drapeau anglais porté fièrement en étendard dans le vent londonien, le retour emblématique de l’Ashton Martin dans toute sa puissance et sa splendeur, le retour également du traditionnel bureau de M capitonné et de la secrétaire Moneypenny qui garde une relation ambigüe avec l’agent (on ne sait pas s’ils se draguent juste ou s’ils ont en fait vraiment eu une liaison, le mystère demeure) et enfin le générique qui reste dans l’âme même des James Bond. Ce générique dont il me faut dire un mot : agréablement surprise par la chanson d’Adèle, je l’ai trouvé magnifique. Autant la chanson que le graphisme. Les femmes, les armes, le sang, les têtes de mort, tout y est. La voix d’Adèle dans sa magistrale puissance et en même temps dans sa légèreté aigue permet d’apprécier ces deux tenants opposés qui composent James Bond et son histoire. J’ai beaucoup aimé le passage dans l’eau qui fait directement suite à une scène cruciale du film (la chute du héros) et qui nous embarque dans l’apesanteur aquatique. Cependant, j’aurais préféré qu’on reste dans cet environnement liquide et dans un générique unifié au lieu de changer sans cesse de fond et donc de milieu, ce qui a rendu le générique un peu fouillis et dispersé au lieu d’être centré sur un thème unique. 

En somme, un excellent James Bond selon moi: drôle et sombre à la fois, distrayant et captivant, émouvant et travaillé, profond enfin.  


Alors, tous à vos écrans!


Petit bonus linguistique : vous ne le saviez peut-être pas (moi non plus, je viens de l’apprendre) mais « bond » en anglais signifie « caution » pour un appartement par exemple. A méditer. 



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Merci de faire vos commentaires! C'est en discutant et en faisant débat de nos goûts cinématographiques qu'on apprend et qu'on s'enrichit!